Éruption Etna 1865, souvenirs de voyage.
Elisée Reclus. Revue des Deux Mondes T.58, 1865
L’éruption de 1865 était annoncée depuis longtemps par des signes précurseurs.
Dès le mois de juillet 1863, après une série de mouvements convulsifs du sol, le cône suprême du volcan s’était ouvert du côté qui regarde le midi. Après cette explosion de l’Etna, la montagne ne se calma point complètement, de nombreuses fissures ouvertes sur les pentes extérieures du cratère continuèrent de fumer et la vapeur ne cessa de jaillir de la cime en épais tourbillons.

Enfin, dans la nuit du 30 au 31 janvier 1865, la paroi céda sous l’effort des laves, quelques mugissements souterrains se firent entendre, de légères secousses agitèrent toute la partie orientale de la Sicile et la terre se fendit sur une longueur de deux kilomètres et demi au nord de la Serra delle Concazze (de 2220 m à 1650 m), l’un des grands contreforts orientaux de l’Etna. C’est par cette fissure ouverte sur un plateau en pente douce que les laves comprimées se firent jour à grand fracas vers la surface. Tous les phénomènes antérieurs annonçant le travail de l’Etna n’avaient fait réfléchir qu’un petit nombre de savants. Les habitants des villages situés sur les flancs de la montagne ne s’en étaient point effrayés, mais à la vue de l’éruption soudaine ils furent en proie à la terreur. De Catane à Taormine et de Taormine à Randazzo, sur cette vaste demi-circonférence de près de 100 kilomètres, on voyait, à l’angle le plus saillant du mont, briller l’immense lueur produite par le reflet des laves et par l’incendie des forêts. On entendait les explosions assourdissantes qui se succédaient à intervalles rapprochés en faisant vibrer le sol et résonner les cavités souterraines.
L’épouvante était au comble dans les villages qui semblaient le plus immédiatement menacés et d’où l’on voyait dans toute son horreur le spectacle de l’éruption, Linguaglossa, Piedimonte, Mascali et Sant-Alfio. Tous les habitants passèrent la nuit dans les rues, les uns sanglotant et priant la Vierge et les saints, les autres blasphémant ou regardant avec stupeur la montagne entr’ouverte. En même temps les cloches des églises et des couvents sonnaient à toute volée pour conjurer le fléau. Bientôt les bûcherons, les charbonniers, les pâtres, descendus en courant des pentes supérieures de l’Etna, rendirent compte des phénomènes dont ils avaient été les témoins et leurs récits vinrent mettre le comble à la terreur.
Durant les six premiers jours de l’éruption, il s’échappa de la crevasse du volcan une quantité de lave évaluée à 90 mètres cubes par seconde, volume deux fois plus considérable que la masse liquide de la Seine au plus bas étiage. Dans le voisinage des bouches, la vitesse du courant n’était pas moindre de 6 mètres à la minute, mais plus bas le fleuve, s’étalant sur une surface de plus en plus large et projetant diverses branches dans les vallons latéraux, perdait peu à peu de sa vitesse initiale.
Dès le 2 février, le courant principal, dont la largeur variait de 300 à 500 mètres sur une épaisseur moyenne de 15 mètres, atteignait le rebord supérieur de l’escarpement de Colla-Vecchia ou Colla-Grande, à 6 kilomètres de la fissure d’éruption et plongeait en cataracte dans la gorge située au-dessous. Ce fut un magnifique spectacle, surtout pendant la nuit, que la vue de cette nappe de matière fondue d’un rouge éblouissant comme le fer de la forgé, réchappant en couche amincie des amas de scories brunes graduellement accumulés en amont, entraînant des blocs solidifiés qui s’entrechoquaient avec un bruit métallique et s’abîmant dans le ravin pour rejaillir en étoiles de feu. Mais ce phénomène splendide ne dura qu’un petit nombre de jours, en perdant de sa hauteur, la chute de feu diminuait graduellement en beauté.
Au milieu du mois de février, la coulée, déjà longue de plus de 15 kilomètres, n’avançait qu’avec une grande lenteur et les laves encore liquides se frayaient péniblement une issue à travers leur carapace de pierres refroidies au contact de l’atmosphère. Les villages et les bourgs situés à la base de la montagne n’étaient plus directement menacés, mais les désastres causés par l’éruption n’en étaient pas moins très considérables. Un certain nombre de maisons de ferme avaient été rasées, de vastes étendues de pâturages et de cultures avaient été recouvertes par les roches lentement figées.
A la fin du mois de mars les montagnards croyaient que l’éruption était complètement terminée et ne faisaient plus attention aux fumées de vapeur et de cendres qu’ils voyaient jaillir du flanc de l’Etna. Lorsque tout à coup la source de lave commença de couler avec une nouvelle violence.
C’est du côté de l’ouest, là où le fleuve de matières liquides n’avait encore projeté que des bras peu considérables, que s’épancha le grand courant, tout l’espace compris entre les cratères du plateau et les anciens cônes d’éruption, connus sous les noms, de Cavacci et de Tre-Monti, fut transformé en un lac de feu.
Ce nouvel épanchement des laves eut lieu d’une manière tellement imprévue et tellement rapide que les bûcherons n’eurent pas même le temps d’emporter les planches et de faire rouler au bas des talus les bois de charpente que leur avait fournis la lisière de forêt qui longeait les bords du courant.
Une vaste clairière s’est formée dans la forêt autour des bouches du volcan, partout le sol est recouvert de cendres que le vent a disposées en monticules allongés comme les dunes du bord de la mer. Tous les arbres ont été brisés par les bombes volcaniques, enfouis par les scories et les petites pierres.
Les premiers troncs que l’on rencontre, à des distances inégales des bouches d’éruption, sont ébranchés par la chute des blocs, ou bien enterrés dans la cendre jusqu’à la couronne terminale.
Ainsi tout a changé d’aspect et de forme sur le plateau du Frumento et sur les pentes inférieures, on peut dire que par toutes ces matières éjectées le relief de cette partie de l’Etna lui-même a été sensiblement modifié.
En mars les phénomènes semblent diminuer fortement, mais plus tard le 25 mars, activités reprennent avec vigueur. L’activité explosive se termine le 10 juin, la fin de l’émission de lave le 28 juin, 1865.
Wolfgang von Sartorius Waltershausen (Göttingen, le 17.12.1809 – 16.10.1876) était un astronome et géologue allemand. En 1838 il est arrivé en Sicile, où il est resté jusqu’en 1843. De cette période sont des travaux importants, tels que: le cadran solaire de la cathédrale d’Acireale (1843), le dodécaèdre gnomon dans le jardin Bellini à Catane et un cadran solaire dans l’église du monastère de Saint-Nicolas Arena (1841), toujours à Catane. En outre, il a effectué de nombreuses études et des cartes sur laves formées au cours des siècles.
Les cratères de l’éruption du 1865 sur l’Etna, seront consacrés à lui et baptisés précisément « Monti Sartorius ».
L’entré balisé du chemin qui arrive aux cratères Sartorius, se trouve à quelques centaines de mètres du « refuge Citelli », sur le versant nord-est de l’Etna.
Le parcours est facile, environ 1-2 heures randonnée, on traverse une forêts de bouleau, c’est une espèce caractéristique de l’Etna, qui ne vit que dans cette région du volcan.
Le terrain a souvent fortes nuances de rouge, en raison de la présence de minéraux ferreux dans la lave.


Autore: Rando Etna


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